En 1983, Katsuhiro Otomo a 29 ans et il dessine des mangas depuis bientôt 10 ans. Un an avant Akira, la bombe qui lui vaudra une renommée internationale, il publie un chef-d’œuvre absolu que d'aucuns n'hésitent pas à placer dans les sommets de la bande dessinée japonaise, cette dernière restriction étant d'ailleurs superfétatoire. Dômu qui se traduit par Rêves d'Enfants, combine avec une audace inconnue jusque-là l'enquête policière, le suspense, l'angoisse et le fantastique le plus moderne. Les cadrages dont Otomo réinvente les règles en permanence, le découpage syncopé et comme arraché à l'écoulement d'un temps implacable, le graphisme qui alterne réalisme poussé et abstraction symbolique, tout cela confère une atmosphère étouffante, néanmoins, suante d'humanité, selon les propres mots de l'auteur et compose un drame envoûtant, d'une originalité foncière. Comme disait ce bon Kafka, "si le livre que nous lisons ne nous réveille pas d'un coup de poing sur le crâne, à quoi bon le lire ?". Une question qui, ici, ne se pose pas.